Interview : Alexandre Aja "La Colline à des yeux"

Publié le par Mr Cinéma

A 27 ans, Alexandre Aja vient de frapper un grand coup en réalisant La Colline a des yeux, remake brillant et survolté du célèbre film de Wes Craven. Et il a réussi cet exploit en s'expatriant à Hollywood en compagnie de son complice et co-scénariste Gregory Levasseur. Epatés par le talent du bonhomme et pas peu fiers de voir un petit frenchie damer le pion aux ricains sur leur propre terrain, nous avons rencontré Aja pour en savoir un peu plus sur lui et sur son film choc. Conversation passionnante avec un français pas comme les autres.

Satisfait du succès de La Colline a des yeux ?
Ah ouais carrément ! On en est à 40 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis. Et même dans le reste du monde, là où le film est sorti, ça marche très bien. On a réussi un combat qui n'était pas gagné d'avance contre la censure allemande. C'est la censure la plus dure au monde au niveau de la violence. Ce ne sont plus les Anglais, qui ont d'ailleurs sorti Haute tension et La Colline a des yeux sans une seule coupe. Avec les Allemands, on a dû écrire plusieurs lettres, et on a finalement réussi à passer entre les gouttes et à sortir le film tel quel. Du coup, étant donné que les spectateurs allemands ne sont pas habitués à voir des films aussi violents, il y a eu un véritable engouement de la part du public. En deux semaines, on a fait entre 400 000 et 500 000 entrées. C'est un carton. En Angleterre, ça marche aussi très bien. Bref, on est super contents.

Ça va vous permettre d'enchaîner tranquillement sur votre projet suivant, qui devait être The Waiting, un film de fantôme à nouveau produit par Wes Craven...

Oui, je devais faire ce film mais en fait, vu qu'on a pas trouvé le casting idéal, le projet a été reporté. Il nous fallait une grosse star pour interpréter le personnage principal, une femme d'à peu près 35 ans. Nous avons fait toute la liste des stars hollywoodiennes possibles mais nous n'avons pas réussi à trouver une actrice disponible. Je n'ai pas voulu transiger là-dessus parce que le film nécessitait une personnalité pour le porter. The Waiting est un film fantastique très intimiste, très psychologique, et avec une actrice pas très connue, ça pouvait paraître un peu trop obscur. Donc, on va attendre un peu. Et dans l'immédiat, je me suis rabattu sur d'autres projets. J'ai eu plein de propositions, beaucoup de remakes évidemment. On m'a proposé des remakes de Scanners, de La Mouche ou même de Shock Waves (également connu sous le titre Le Commando des morts-vivants - ndlr). On m'a également proposé le remake de Piranhas, que je ne ferai pas mais qui risque d'être excellent, d'une part à cause des possibilités offertes aujourd'hui par les effets spéciaux numériques et d'autre part parce que le scénario est vraiment très intéressant. Il y aussi, bien sûr, le projet d'une séquelle à La Colline a des yeux, mais je ne le ferai qu'à condition de trouver un concept qui surpasse celui du premier. Cela dit, vu qu'ils veulent le faire assez rapidement, je ne sais pas si j'aurai le temps de le réaliser. Je ne veux pas faire un truc bâclé donc je vais peut-être m'abstenir. Je ne veux pas réitérer ce qu'a vécu Wes Craven avec la suite de sa Colline a des yeux. Il déteste cette suite, qui fait partie, avec La Créature du marais et Cursed, des trois films qu'il regrette amèrement d'avoir accepté.

Que pensez-vous de La Colline a des yeux de Wes Craven ?
Et bien, pour être honnête, on m'aurait proposé de faire le remake de Massacre à la tronçonneuse, de Délivrance ou des Chiens de paille, j'aurais refusé, j'aurais dit aux producteurs : « Désolé les gars, j'adore ces films mais je peux pas. ». Pourquoi refaire ces films ? Ça ne sert à rien, ils sont déjà très bien comme ils sont. Par contre, La Colline a des yeux, si j'ai accepté de le refaire, c'est d'abord parce que le concept de base est très fort et ensuite parce que le film original me fait vraiment marrer. Et je ne dis pas ça par mépris vis-à-vis du film, je l'aime vraiment parce que c'est plein de maladresses, c'est très Z dans l'esprit. Bref, il y avait là une possibilité de reprendre le concept original et de faire quelque chose d'autre avec.

Quelle a été votre expérience en tant que Français à Hollywood ?
Je pense qu'elle a été un peu le contraire de l'expérience de la plupart des autres réalisateurs français partis travailler là-bas. Et je crois qu'elle a été également bien différente de ce à quoi je m'attendais. Je m'attendais à être broyé par le système américain, à être utilisé, menacé, pressuré par des producteurs dirigistes et en fait c'est pas du tout comme ça que ça s'est passé. D'abord peut-être que j'ai également été engagé pour co-écrire le script avec Grégory Levasseur et pas seulement pour réaliser le film. Et puis, en plus de ça, j'avais Wes Craven et le studio Fox Searchlight qui me soutenaient à fond. Leur politique était vraiment de faciliter au maximum la tâche du réalisateur. J'étais donc très bien entouré et, même si il y a eu des bras de fer ou des affrontements, j'ai quand même réussi à défendre ma vision du film. Bref, j'ai écrit et tourné le film que je voulais faire, il n'a pas été remonté par le studio, j'ai vraiment pu travailler dans des conditions exceptionnelles.

Comment vous êtes vous glissé, en tant que cinéaste français, dans le système américain ?
J'ai essayé de prendre ce qu'ils avaient de bien à offrir et de leur imposer ce qu'il y avait de mieux dans le système européen. Les producteurs ont fait un effort, moi aussi de mon côté, et au final, le film s'est fait de manière assez originale, en panachant les deux méthodes. Après, en ce qui concerne mes objectifs sur le film lui-même, j'ai vraiment tenté de refaire ce que j'avais déjà fait sur Haute tension, c'est-à-dire faire exister une histoire de la manière la plus terrifiante qui soit sans me préoccuper du système. Je ne me suis pas dit que j'allais envisager le genre différemment parce que je débarquais à Hollywood. En fait, je peux dire que le film s'est fait exactement de la même façon que Haute tension, mais avec sept fois plus d'argent.

Avez-vous rencontré des problèmes avec les producteurs ?
Au tout début oui, avec Dimension, le studio de Bob Weinstein, qui devait financer et distribuer le film. Ils nous ont planté en cours de route et le film aurait pu s'arrêter là si Fox Searchlight n'avait pas repris le flambeau. Avec le recul, je pense que ça a été un mal pour un bien, car travailler avec les frères Weinstein aurait été impossible. Ils sont trop portés sur le contrôle. Ils avaient beaucoup aimé le script mais ils étaient en train de quitter le giron de Disney à cette époque et ils se sont aperçus qu'ils n'avaient plus d'argent. A ce moment-là, Wes Craven nous a fait comprendre que ça n'était pas plus mal pour le film et on a bien voulu le croire, connaissant sa longue collaboration avec les Weinstein.

Avez-vous flippé avant de vous retrouver confronté au système américain ?
Oui, j'ai eu peur mais j'ai quand même eu toute la période d'écriture pour me confronter à eux. Là, il y a eu des affrontements, des bras de fer... Et ça m'a permis de jauger les gens que j'avais en face de moi, de trouver un terrain d'entente. En plus, il faut dire que la séparation entre les deux systèmes était assez floue : on a écrit ici, puis aux Etats-Unis, où on a préparé le film avant de partir le tourner au Maroc, puis de rentrer à Paris pour le montage. Je ne suis pas parti pour un an avec ma valise aux Etats-Unis, sans remettre les pieds chez moi entre temps. On avait l'impression de faire un film international. Bon, en plus de ça, moi je suis quelqu'un qui vient du petit budget et je ne supporte pas l'idée que tout l'argent d'un film ne soit pas à l'image. Donc ça ne m'intéressait pas de tourner aux Etats-Unis et de dépenser de l'argent dans des trucs qui ne soient pas à l'image. Je pars du principe que le maximum du budget doit être dans le film, sur l'écran. C'est pour ça que je les ai convaincus d'aller tourner au Maroc : ça nous permettait d'avoir des décors plus impressionnants, d'avoir plus de jours de tournage, etc. Et j'ai eu la chance d'avoir des producteurs qui ont accepté ces choses-là. Mais c'est vrai que j'ai peut-être imposé cette manière de faire par peur du système américain.

Il faut dire aussi que votre connaissance du film d'horreur, et particulièrement du film d'horreur américain, a dû également vous faciliter la tâche...
Bien sûr. Avec Haute tension, on avait vraiment voulu faire un hommage à tout ce qu'on aime, un truc très dur comme on en voyait plus trop à l'époque. C'était un film fait en réaction à tout le second degré débile qui a pourri le cinéma d'horreur des années 90...

Une orientation qui a quand même été initiée par Wes Craven et Kevin Williamson !
Exactement, mais c'est là où Wes est un monstre à deux visages, et même à trois visages devrais-je dire... C'est lui qui a créé, avec des gens comme Tobe Hooper ou John Boorman, le cinéma qui nous a donné envie de faire des films ; c'est lui qui a créé Freddy, le boogeyman avec lequel nous avons grandi ; et puis finalement c'est lui qui va flinguer le genre en introduisant la touche Williamson dans le cinéma des années 90.
Envie de réitérer l'expérience américaine ?
Je sais pas, je réfléchis pas du tout comme ça, je fonctionne avant tout en termes de sujets, de scénarios. Sinon, c'est vrai que toutes les histoires que je développe actuellement ont plus tendance à trouver leur place dans un système de studios américains qu'au sein du système français. Mais le jour où j'aurai en main un sujet qui a une vraie spécificité française, je ne louperai pas l'occasion de tourner à nouveau un film français. Ce sera également le cas si je tombe sur un sujet qui est trop radical ou que les Américains, aussi courageux soient-ils, ont la trouille de produire. Mais bon, pour le moment, je n'ai pas de raison de rentrer au pays, puisque je peux faire aux USA les projets qui me tiennent à coeur. En plus, ce sont des projets très similaires à La Colline a des yeux en termes de production, qui ne se tourneront pas sur le sol américain, mais au Canada ou dans les pays de l'Est. C'est un bon moyen de s'émanciper de l'énorme machinerie hollywoodienne tout en en faisant fructifier les avantages structurels. Nous, en France, on est dans un système où l'on connaît pratiquement tous les prénoms de l'équipe qui travaille avec vous. Là-bas, c'est différent : quand j'allais voir Wes Craven sur le plateau de Cursed, y'avait 250 à 300 personnes avec lui, parmi lesquelles il devait en connaître à peine dix. Moi, je pense que ça, ça n'est pas une bonne façon de faire un film, ça devient l'usine. Il faut qu'il y ait des liens très forts entre les gens, des relations très directes. Ça m'épate toujours de savoir qu'il y a des gens qui se lèvent le matin pour venir m'aider à tourner un film. Parce que j'ai l'impression que je m'amuse quand je fais un film et qu'on me paye pour ça. C'est fabuleux. Aux Etats-Unis, et même si ce système a ses avantages, on a un peu l'impression que les gens vont au turbin.

En même temps, comparé à nous, c'est aussi ça qui fait leur force...
C'est vrai. En ce qui nous concerne, le revers de la médaille de notre système à dimensions humaines, c'est le dilettantisme, les états d'âme des mecs, les affaires de susceptibilité... Les Américains ne fonctionnent pas de la même façon sur un plateau : d'une certaine manière, chez eux, le réalisateur est encore plus confronté à la solitude du décideur.

Votre remake est admirable par bien des aspects mais c'est indéniablement dans son dernier tiers que le film dévoile toute sa personnalité étonnante, au croisement du survival, du film gore et du film épique...
Merci, merci beaucoup. En fait, avec Grégory, on voulait vraiment faire un film d'horreur qui soit différent de Haute tension, qui brasse une certaine imagerie westernienne et qui débouche sur un final lorgnant vers La Quatrième dimension et La Planète des singes. Ça me touche beaucoup ce que vous dites parce que vous ne pouvez pas imaginer à quel point j'ai dû me battre pour garder cette approche. Wes était totalement contre toute cette fin, contre l'épisode dans le village, contre le drapeau américain... J'ai argumenté comme un malade avec les producteurs, et au final, même s'ils n'étaient pas d'accord, ils m'ont laissé faire. Le truc, c'est qu'il leur restait de l'argent de côté pour le film et ils ont donc décidé de me laisser tourner ma version sans trop m'emmerder. Ils ont tablé sur les projections-tests, ils ont pensé que le public à qui l'on montrerait le film rejetterait en masse toute cette dernière demi-heure et qu'à ce moment-là, il serait toujours temps de retourner une nouvelle fin. Ils ont donc organisé une première projection-test à West Hollywood, en présence de 150 personnes. Ils étaient persuadés que le public allait rejeter le film tel qu'il se terminait. Et là, il m'est arrivé l'une des plus belles expériences de ma vie professionnelle. Les gens ont réagi avec enthousiasme dès le début du film, ils applaudissaient, ils criaient, à la fin ils se sont même levés. Bref, c'était génial, les gens adoraient le film. Les sondages de sortie de salle étaient excellents, les gens qui discutaient entre eux après le film déclaraient : « C'est le meilleur film de Wes Craven depuis vingt ans ! Craven est de retour !». Et tout ça devant Wes ! La situation s'était totalement retournée à mon avantage. Les producteurs ont été très fair-play, ils sont venus me voir et ont reconnu que j'avais raison. Et Wes a été royal, il m'a remercié de le faire paraître à son avantage puis m'a suggéré de mettre mon nom en plus gros que le sien sur l'affiche. Je crois qu'il était touché de retrouver autant d'amour de la part d'un public, celui des vrais films d'horreur, qu'il avait un peu perdu de vue depuis pas mal d'années. Cette soirée a donc été inoubliable, un grand « love fest » qui s'est achevé très tard. Et le lendemain, Wes et les autres producteurs se sont monté le bourrichon entre eux puis sont revenus me voir en m'annonçant qu'il fallait faire une nouvelle projection-test. Pour eux, West Hollywood, c'était trop facile, c'était un public acquis, qui connaissait trop ce genre de films. Il fallait donc prendre la température en province en y organisant une autre projection. Deux jours plus tard, on s'est donc retrouvé à Orange County, à une heure au sud de Los Angeles, dans une salle de 300 personnes. Le public était effectivement beaucoup moins branché, plus provincial. Résultat : la projection a été encore plus délirante et les sondages encore plus positifs. C'était hallucinant. Là, j'avais gagné pour de bon. Mon montage allait être préservé et tout serait fait comme je l'avais envisagé.

Si ce n'est que la censure a ensuite mis son grain de sel dans l'affaire...
Oui, ils nous ont un peu fait chier pour nous obliger à couper deux ou trois minutes de violence, mais bon, je crois que tel quel, le film est déjà bien violent...

Totalement. On a vraiment pas l'impression que le film a été coupé, tellement le final est ultra violent...
Oui, mais là où ça m'énerve, c'est que la MPAA (Motion Picture Association of America, l'organisme qui s'occupe de classer ou de censurer les films aux Etats-Unis - ndlr) m'a fait passer un peu pour un idiot aux yeux du public américain, qui, contrairement à nous, se manifeste toujours très bruyamment quand il aime ou quand il n'aime pas quelque chose. Dans la scène où le héros vient de frapper l'un des méchants et qu'il laisse tomber son arme pour aller récupérer le bébé, le public s'est écrié : « Mais noooon !!! Pourquoi il a laissé tombé son arme, ce con ??? L'autre va se relever !!! ». Mais le public ne pouvait que réagir comme ça après ce que m'avait fait couper la MPAA. Car dans ma version, le héros tirait à bout portant dans la gorge du mec avant de le finir de cinq coups de crosse dans la gueule. Après un truc pareil, il y avait une chance sur un milliard que le type se relève. Et en me faisant couper tout ça, la MPAA m'a fait passer pour un réalisateur qui compte sur l'indulgence de son public. Ils ont également coupé quelques secondes dans la scène où la hache de Doug s'attarde dans les chairs de l'un des mutants, quelques plans de Big Bob en train de brûler et pratiquement une minute de viol. Là aussi, j'aime bien traîner sur les forums Internet pour lire les réactions des gens et j'ai vu qu'il y avait tout un débat pour savoir si la fille a bien été violée. Oui, elle a bien été violée et heureusement, ça et le reste, ce sera rétabli sur la version qui sortira en DVD. 

Y avait-il dès le départ une volonté de développer un sous-texte sur le rapport des Américains à la violence, notamment à travers l'antagonisme entre Doug et Big Bob, le gendre démocrate et le père républicain ?
Complètement. J'avais vraiment envie de retrouver les thématiques de films comme Délivrance ou Les Chiens de paille. C'était déjà dans les dialogues en français qu'on avait rédigés au préalable avec Grégory. Ce qui est intéressant là-dedans, c'est de montrer que le pacifiste peut tout autant avoir une énorme dose de sauvagerie refoulée en lui que le personnage belliqueux. Et que finalement, la civilisation tient à peu de choses. L'animal qui est en nous n'est jamais très loin. Et puis, cette manière de montrer la violence est aussi très importante. Je crois que le maître mot, c'est le réalisme. Il faut qu'on y croit, qu'on ressente ça intimement. Si c'est pour faire des trucs du style Hostel, moi ça ne m'intéresse pas. La distanciation, c'est pas ma came. Ce que j'aime, c'est quand le cinéma me transporte dans l'écran. Quand le style du réalisateur est tout entier au service de l'expérience que va vivre le spectateur. Les plus grands, comme Spielberg, savent très bien faire ça, sans que leur style ne devienne envahissant et démonstratif.

Pensez-vous qu'un film d'horreur puisse accéder à une certaine excellence artistique ?
Tout à fait. Les genres populaires sont généralement méprisés par l'establishment mais ce n'est jamais une affaire de nature à la base. Le film d'horreur n'est pas un genre mauvais en soi. C'est ce qu'on en fait qui le tire vers le haut ou vers le bas. Et c'est pareil pour tous les genres finalement. Il n'y a qu'à voir ce qu'a fait Sergio Leone avec le western ou De Palma avec le film d'horreur, justement. J'adore ça quand le réalisateur a une telle foi dans ce qu'il montre qu'il n'hésite pas à aller au-delà des limites normales, à s'emballer et à aboutir à quelque chose d'énorme. Et c'est comme ça que Leone a transformé le western en opéra. Encore une fois, le cinéma, c'est montrer quelque chose auquel le spectateur va croire sans retenu. Il y a beaucoup trop de films d'horreur qui jouent la carte de la légèreté, qui se foutent du genre et qui n'ont aucune ambition pour lui. Quand on voit un truc comme Saw II, on voit très bien que les auteurs ont traité ça par-dessus la jambe. C'est mal écrit, c'est mal joué, c'est mal filmé. Après ça, ça n'est pas étonnant de voir le degré de considération des cinéphiles pour les films d'horreur.

Bon, pour revenir à La Colline a des yeux, comment avez-vous réussi à reconstituer un bout de désert américain au Maroc ?
On a commencé par une petite excursion en 4x4 avec Wes et le producteur Peter Locke à Victorville, en Californie, là où le film original avait été tourné. Mais bon, comme on voulait un endroit qui ressemble à une ancienne zone de tests nucléaires, on s'est ensuite retrouvés à devoir choisir entre le Nevada et le Nouveau-Mexique. Hélas, le Nevada était trop plat et le Nouveau-Mexique était logistiquement trop difficile car le genre de lieu que l'on cherchait, avec des paysages vierges à 360 degrés, se trouvait uniquement à trois heures de route de la première ville. Finalement, on a fini par trouver au Maroc, près de Ouarzazate, le décor qui nous convenait : c'était étonnant car étant donné que ce désert, situé entre les montagnes et le Sahara, était à la même altitude et à la même altitude que celui du Nouveau-Mexique, on y trouvait la même végétation et les mêmes paysages qu'aux alentours de Santa Fé. En fait, pour résumer, on n'a pas cherché à reconstituer le désert américain au Maroc, on a trouvé au Maroc le désert américain. Et puis, je dois quand même dire que j'avais avec moi un très grand chef décorateur, Joseph Nemec, qui avait bossé sur Terminator 2 et sur Abyss, et qui est un véritable maniaque du détail.

Au niveau du casting, il y a quelque chose d'assez troublant : la ressemblance entre vous et l'acteur principal, Aaron Stanford, était-elle voulue ?
(rires) Non, pas vraiment. Mais en fait, on cherchait au départ un type comme moi ou comme Grégory, un citadin normal, plus cérébral que manuel, un peu lâche sur les bords, qui n'aime pas trop les voyages en caravane... Et quand les producteurs m'ont parlé d'Aaron, ils m'ont prévenu qu'il me ressemblait. J'ai vu quelques films avec lui, je l'ai eu au téléphone, où j'ai vu qu'il avait très bien cerné le rôle et du coup, je l'ai pris. Mais lorsqu'il a débarqué sur le tournage, je me suis vraiment retrouvé face à un miroir. En fait, il avait fait ce que font certains acteurs avant d'arriver sur un plateau, pour laisser au réalisateur l'initiative de définir leur aspect physique : il avait les cheveux mi-longs, la barbe d'une semaine et il m'a demandé le look que je voulais qu'il ait. Vu qu'à l'écriture, je m'étais inspiré d'un mec comme moi pour le personnage, je lui ai dit de rester comme ça. Et voilà. Sur le tournage, on nous confondait quasiment tous les jours.

Le monstrueux Pluton est réellement impressionnant et en plus, c'est une très belle mise à jour du personnage culte qu'interprétait Michael Berryman dans le film de Craven...
Oui, on a complètement revisité le personnage. Pour sa tête, on voulait un mélange de Charles Laughton dans Quasimodo et de vraies personnes au visage déformé par la radioactivité. Et pour son look vestimentaire, la référence c'était Rio Bravo. Mais, même si le personnage était bien défini, je dois dire que l'acteur, Michael Bailey Smith, m'a carrément bluffé. Il faut à tout prix que je mette dans les bonus du DVD les bouts d'essais des acteurs : Michael est arrivé au casting et il a hurlé à faire trembler les murs. C'était impressionnant. Ce mec est formidable. Même Greg Nicotero, qui a conçu le maquillage de Pluton, a reconnu que c'est vraiment Michael, bien au-delà du maquillage, qui a inventé le personnage. Il a amené une véritable émotion dans le rôle, son travail était vraiment exceptionnel.

Pourquoi Michael Berryman n'est pas dans le film ?
Tout le monde me pose la question. Personnellement, je le souhaitais, j'aurais bien aimé faire un plan vers la fin, où il se retournait et où on le voyait pour la première fois, ç'aurait été génial. En fait, c'est lui qui devait jouer le rôle du mutant avec le harnais métallique autour de la tête, le type que Doug éclate à coups de hache. Mais les producteurs n'ont pas voulu de Berryman et c'est Greg Nicotero qui a finalement joué le rôle. Je ne sais pas pourquoi les producteurs ont refusé. Et je ne veux pas le savoir, d'ailleurs.

Et quel sera donc votre prochain film ?
Ce ne sera donc pas The Waiting. Après avoir fait un film assez référentiel comme Haute tension et un remake, j'ai envie de sortir un peu de ce cycle post-moderne et de faire quelque chose qui soit plus référant à la vie elle-même qu'au cinéma. Le film en question est certes inspiré d'un film coréen, Into the Mirror, mais vraiment de très très loin. En fait, ça part du postulat selon lequel les miroirs ne reflètent plus ce qu'ils devraient refléter normalement. On devrait tourner à l'automne mais là, Grégory et moi, on est en train de réécrire le script, qui n'était pas terrible. On est également tous les deux producteurs sur ce film.

Propos recueillis par Arnaud Bordas 
 




 









 




Publié dans Interview

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